Transmettre des compétences, c’est avec la découverte de l’entreprise et du monde du travail, le second objectif de l’alternance : faire en sorte que l’alternant obtienne son diplôme ou sa certification, c’est le résultat attendu. Pour le tuteur, la transmission est au cœur de sa mission, elle représente un investissement important, régulier, avec une intensité variable dans le temps.
Comment et pourquoi transmettre ses compétences et ses valeurs aux jeunes ?
La clé de la réussite de la transmission de ses compétences entre seniors et apprenti réside dans une bonne organisation, un investissement de temps conséquent afin de permettre à l’alternant de grandir, d’acquérir tout ce dont il a besoin, de l’aider à progresser dans un nouveau métier, d’apprendre de nouvelles techniques, de nouvelles connaissances, et d’adapter ses comportements à son nouveau métier. Transmettre pour un tuteur s’apparente à un rôle de formateur occasionnel qui identifie les compétences maîtrisées par le tutoré et qui organise des séances d’apprentissage pour faire le chemin de l’apprentissage.
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Première question à se poser : quelles sont les compétences que l’alternant maîtrise, quels sont ses prérequis ?
Le diagnostic des compétences est la clé de la transmission. Contrairement à beaucoup d’idées reçues, l’alternant a souvent déjà acquis des connaissances et des savoir-faire à travers d’autres expériences. Beaucoup d’alternants possèdent une ou plusieurs années expériences en entreprise, notamment par le biais des stages. Il est nécessaire de s’appuyer sur celles-ci pour l’emmener plus loin. Donc pour commencer, le tuteur va vérifier son plein potentiel et son niveau de connaissances pour s’appuyer dessus et aller plus loin comme expliqué plus loin.
Deuxième question : quelles sont les compétences dont l’alternant a besoin pour tenir le poste et pour réussir son diplôme ?
Existe-t-il une fiche de poste ? Une fiche de mission ? Le tuteur doit-il lui transmettre l’ensemble de ses compétences ou une partie de celles-ci sans avoir l’impression d’être dépossédé totalement de sa valeur ajoutée ? D’ailleurs, l’alternant aura-t-il un ou plusieurs tuteurs de compétences ? Bénéfice indirect du tutorat : l’occasion pour le tuteur de faire le point sur ses propres compétences, les identifier en les formalisant, mieux en prendre conscience, condition nécessaire d’une bonne transmission. Jean Piaget disait que transmettre, c’est apprendre une seconde fois.
Troisième question : comment enseigner et transmettre son expertise aux autres ?
C’est une vraie question qui embarrasse les tuteurs qui ne sont souvent pas des formateurs. C’est à ce niveau que la pédagogie est présente et qu’une formation est nécessaire. Transmettre n’est pas un acte facile, qui va de soi, même si l’on est un bon expert dans son domaine, transmettre est une vrai compétence entière, qui s’acquiert, qui s’apprend, qui ne s’invente pas. Le tuteur va partager celles qu’il maîtrise à travers ses bonnes pratiques. Savoirs, savoir-faire et savoir-être sont transmis en fonction des besoins par des moyens pédagogiques pour atteindre les objectifs définis dans le diplôme avec l’aide de techniques et d’outils. Regardons ce que contient la caisse à outils du tuteur pour répondre à ce besoin.
Le programme pédagogique
Le tuteur s’appuie sur deux référentiels: le programme pédagogique et la fiche de poste ou fiche de mission. Il récupère le programme pédagogique qui est fourni par l’école, dans le cahier de suivi, transmis par le maître d’apprentissage ou par l’alternant. Si ce n’est pas possible, il le télécharge sur Internet. De plus en plus, l’école fournit un code d’accès à son intranet et tout se fait en ligne. Le programme pédagogique est souvent très technique. Certaines écoles mettent à la disposition des entreprises des référentiels épurés, vulgarisés, compréhensibles par tous, un programme pédagogique simple et clair, adapté aux néophytes. Mais toutes les écoles ne le font pas. Il faut alors se débrouiller pour décrypter le référentiel de formation et ce n’est pas toujours facile. Trop d’écoles hélas ne fournissent aucun programme et le risque pour le tuteur, c’est de proposer des activités très éloignées de l’apprentissage théorique.
La fiche de poste ou fiche de mission
À propos de la fiche de poste ou référentiel métier, toutes les entreprises n’en possèdent pas. Dans ce cas, le tuteur définit avec son manager et avec les Ressources Humaines les activités qui sont confiées à l’alternant.
Celles-ci sont souvent proches de celles du tuteur. Une formalisation par écrit permet de mieux appréhender le périmètre de l’activité à transmettre. Une fois ces deux référentiels en main, plus le planning qui a été fourni par l’école, le tuteur peut produire le tableau de bord ou le fait produire par son alternant.
Le tableau de bord
C’est l’outil principal centré sur l’organisation, indispensable pour tous, tuteur, tutoré, collègues, manager, école. Cet outil aide à clarifier les compétences à transmettre, à définir des objectifs, des délais et à suivre leur acquisition. En créant cet outil, le tuteur se donne du confort car il anticipe les activités qu’il va confier. En le partageant avec son alternant, avec ses collègues, avec le tuteur pédagogique, il permet à chacun de trouver du sens. C’est le document de référence. Le tableau de bord permet de clarifier les objectifs à atteindre mois par mois, semaine par semaine. Il est l’outil principal de cette montée en compétences. Un outil de pilotage qui pourra être rempli par le tutoré lui-même et mis à jour régulièrement lors des échanges hebdomadaires par exemple. Un outil qui permet de formaliser puis de valider les activités au fur et à mesure et qui peut se construire simplement sur un tableur. Le tableau de bord est un véritable outil de management, l’outil de pilotage par excellence à ne négliger sous aucun prétexte.
Les grilles de suivi
En annexe du tableau de bord et en ouvrant une seconde feuille sur un tableur, le tuteur peut ajouter une grille de suivi des compétences. Il identifie chaque compétence à acquérir, peut ajouter un critère de difficulté à atteindre et une date de maîtrise. Ainsi, à tout moment, tuteur, tutoré, manager ou tuteur pédagogique pourront constater la professionnalisation de l’alternant. Ces deux outils permettent à tout moment de valider ce qui a été acquis et ce qu’il reste à acquérir.
Il est important d’apprécier les compétences acquises et de le faire de façon régulière. Sans évaluation, nous ne pouvons pas mesurer la progression et de voir si les résultats sont atteints. Il ne s’agit pas de noter comme à l’école. On n’est pas non plus dans une évaluation annuelle managériale.
L’entreprise n’est pas l’école
L’alternance, c’est un jeune qui apprend dans deux lieux, l’école et l’entreprise. Et même si les tuteurs ne sont pas des professeurs, ils doivent néanmoins essayer d’être les plus pédagogues possibles. Chaque alternant apprend à son rythme, en commettant ses erreurs, en cherchant, en essayant, en ne réussissant pas forcément du premier coup. Cela demande de la patience. Comment transmettre ? Les tuteurs ne sont généralement pas des formateurs, ni occasionnels, ni permanents, et transmettre, c’est former au poste de travail. Les seniors le savent bien puisqu’ils ont bien souvent été formés ainsi, par un tuteur qui était un collègue ou un chef d’équipe qui expliquait au fur et à mesure comment réaliser telle ou telle tâche. Mais depuis, les méthodes ont changé et on ne forme plus aujourd’hui comme hier. Derrière la remarque « je ne suis pas un professeur en entreprise », on peut entendre que les tuteurs ne veulent pas passer tout leur temps à expliquer, montrer, corriger, évaluer, etc. Ils veulent dire qu’ils ont aussi leurs activités à réaliser.
Comment favoriser la transmission de son savoir-faire professionnel : choisir les méthodes pédagogiques
La transmission se réalise avec l’aide de différentes méthodes pédagogiques, adaptées à chaque situation, en fonction du niveau maîtrisé par l’apprenant et de l’objectif à atteindre. Méthode directive, participative ou interrogative, méthode active, par analogie, par déduction, etc. Laquelle choisir et selon quels critères? Un maître mot à respecter absolument: évaluer les prérequis de l’apprenant. Vérifier ce qu’il maîtrise ou pas avant tout apprentissage permet de choisir la bonne méthode. Puis adapter la méthode en fonction de l’objectif à atteindre. Voici trois méthodes courantes à utiliser.
La méthode directive
La méthode directive est celle qui donne au tuteur l’impression de gagner du temps, mais c’est souvent un leurre. Le tuteur sait ce qu’il faut faire et, comme un enseignant le fait à l’école, indique à l’apprenant la démarche à suivre. Puis il lui demande de réaliser un exercice et valide le résultat. Cette méthode présente une certaine efficacité lorsque le jeune a tout à découvrir et qu’il doit maîtriser rapidement une tâche. Le tuteur a plutôt tendance à utiliser cette méthode car il se représente la transmission de cette façon, au regard de ses souvenirs scolaires ou des collègues qui l’ont aidé quand il était junior. Le tuteur a souvent appris ainsi. Mais attention, l’entreprise n’est pas l’école. N’oublions pas qu’on retient 20 % de ce qu’on nous montre même si on est très efficace, et 80 % de ce qu’on fera par nous-mêmes. Donc, faisons et faisons faire. Avec la méthode directive, n’oublions pas que c’est le tuteur qui travaille le plus.
La méthode participative
La méthode participative est une méthode qui demande du temps, de la patience mais qui, au bout du compte, permet à l’apprenant d’acquérir très vite son autonomie. L’apprenant découvre par lui-même sous la responsabilité de son tuteur qui est juste à côté. Il cherche, tâtonne, se trompe, pose des questions et trouve. Par analogie, c’est un peu comme apprendre à conduire. On ne réussit que lorsqu’on prend le volant, pas en observant. C’est dire et faire dire en utilisant le questionnement avec alternance entre la prise de parole et l’écoute. Le tuteur amène l’alternant à construire ses réponses pour trouver les solutions. Le questionnement permet à l’apprenant par déductions successives de formaliser ce qu’il sait, éventuellement ce qu’il pense. Il utilise trois types de questions, les questions ouvertes, fermées et orientées pour amener l’apprenant à découvrir ses connaissances par lui-même. Les tuteurs se plaignent que c’est une méthode chronophage. Pendant qu’ils laissent l’apprenant découvrir par lui-même, ils n’agissent pas. Le tuteur n’est pas patient par contrainte. Pendant qu’il attend que son tutoré « comprenne», il n’est pas productif et son travail prend du retard, il se croit passif. D’où la forte tendance à revenir sur la méthode directive. Fausse bonne idée.
La méthode active
La méthode active est la méthode la plus épanouissante et responsabilisante pour l’apprenant car il se prend en charge. La place du tuteur est néanmoins primordiale. Elle commence par un temps de préparation de l’activité qui donne du sens, permet de vérifier la compréhension des objectifs, vérifier les moyens, définir les étapes. Le tutoré doit se sentir en confiance et soutenu. La possibilité de pouvoir sortir d’une difficulté éventuelle pendant la pratique de l’activité est rassurant. À la fin, un temps de débriefing est nécessaire pour valider le résultat et apporter des compléments d’information. La pédagogie active est moins cadrée que la pédagogie «traditionnelle », pour laquelle on a un référentiel (programme à suivre) et des exercices calibrés pour tester les savoirs et savoir-faire. Avec la méthode active l’apprenant est encadré, mais il est plus autonome dans sa démarche. Il est nécessaire de présenter clairement les objectifs de la démarche et les critères d’évaluation. On peut parler de contrat technique qui présente les attentes techniques, les compétences qui doivent être mises en œuvre, le volume du travail à fournir, le résultat final attendu, et de contrat pédagogique qui inclut une évaluation de ce qui a été appris et de la démarche de l’apprenant. Cette méthode nécessite une contribution réciproque qui est le concept qui décrit le mieux la méthode active.
Comme on vient de le voir, il n’existe pas une bonne méthode car toutes le sont si elles sont bien choisies. La méthode directive est souvent la plus utilisée. C’est pourtant la moins efficace. Alors, osez l’audace pour sortir des sentiers battus.
Pourquoi partager ses connaissance ?
Il est crucial de partager ses connaissances avec son stagiaire ou son apprenti afin de favoriser leur développement professionnel, d’assurer la pérennité des compétences au sein de l’organisation et de stimuler l’innovation. En transmettant les savoir-faire et l’expertise, on prépare la future génération de professionnels à relever les défis du secteur. Cela favorise également un environnement d’apprentissage collaboratif et ouvert, où les idées peuvent circuler librement, générant ainsi des synergies et des solutions créatives. Enfin, partager ses connaissances renforce la cohésion d’équipe, améliore la communication et contribue au développement d’une culture organisationnelle saine et dynamique.
Transmettre ses compétences est un beau challenge qui demande de l’investissement, du temps, des techniques, des outils, une formation. C’est aussi une occasion de monter soi-même en compétences, de progresser, de prendre du recul sur son activité. C’est une activité gagnante pour toutes les parties.
Article rédigé par François Gabaut, PhD et formateur-conseil depuis plus de quinze ans. Nourri par la ProcessCom, certifié en Analyse Transactionnelle et spécialiste des enjeux liés au tutorat
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