


Il existe des moments où l’échange entre deux personnes semble glisser sans prévenir vers un terrain tendu, flou, presque déroutant. Un mot qui dépasse, un geste un peu sec, une remarque qui pique, et la relation change de ton. On croit réagir “normalement”, mais on se retrouve embarqué dans un scénario qui nous dépasse. Ce triangle de karpman, aussi appelé triangle dramatique, décrit précisément ces épisodes où chaque interlocuteur endosse un rôle sans même en avoir conscience. Stephen Karpman, formé par Eric Berne au cœur de l’analyse transactionnelle, a proposé ce modèle dramatique pour éclairer les mécanismes profonds qui structurent certains conflits.
L’outil est devenu incontournable, autant dans le coaching, le management, la relation interpersonnelle, que dans la compréhension de ses propres réactions. Il aide à repérer les dysfonctionnements relationnels, comprendre ce qui se joue en soi, et retrouver une manière plus saine de communiquer.
Dans ce guide, tu vas voir comment ces trois rôles — victime, sauveur, persécuteur — s’installent, pourquoi ils se nourrissent entre eux, comment ils créent un cycle qui tourne sans fin, et surtout comment briser le cercle vicieux. L’idée n’est pas de pointer du doigt, mais d’apporter un regard plus bienveillant et structuré sur des situations où chacun cherche avant tout à satisfaire un besoin.
Pour comprendre ce schéma relationnel, il faut revenir à son contexte. Stephen Karpman, jeune médecin à l’époque, travaille à San Francisco autour de la dynamique des conte féeriques (référence à Fairy Tales and Script). Il observe que de nombreuses histoires reposent sur des “grands rôles” : celui qui souffre, celui qui vient au secours, celui qui critique ou fait pression.
En transposant cette logique aux relations du quotidien, il identifie un scénario relationnel typique dans lequel les protagonistes oscillent entre trois positions complémentaires. Chacun croit agir pour de bonnes raisons mais active malgré lui un jeu psychologique basé sur des messages cachés, des attentes non exprimées et une quête plus ou moins avouée de reconnaissance.
Ce triangle n’est pas une théorie abstraite : il décrit ce que tout le monde vit un jour dans sa vie personnelle, au travail, dans la parentalité, entre amis ou dans une relation amoureuse.
Le triangle dramatique repose sur un postulat simple :
trois rôles se répondent, se renforcent et entretiennent une dynamique conflictuelle.
Ces rôles sont interdépendants. Quand un individu endosse une position, les autres réagissent instinctivement en adoptant les deux rôles restants. La relation ne tourne plus autour d’un échange clair : elle devient un jeu, au sens de l’analyse transactionnelle, dans lequel chacun se sent coincé.
Voici un tableau synthétique pour clarifier les fondations :
| Élément | Description |
|---|---|
| Modèle | Outil d’analyse transactionnelle centré sur les interactions dysfonctionnelles |
| Rôles | Victime – Sauveur – Persécuteur |
| Mécanisme | Passage rapide d’un rôle à l’autre selon la situation |
| But inconscient | Obtenir signes de reconnaissance, contrôler l’échange, éviter une émotion difficile |
| Conséquence | Relation perturbée, frustration, épuisement, conflit prolongé |
Ce qu’il faut comprendre dès le départ :
personne ne “naît” victime, sauveur ou persécuteur.
On joue ce rôle parce qu’un besoin interne pousse à adopter cette posture dans cette situation précise.

Le triangle dramatique n’émerge pas par hasard. Il s’amorce souvent lorsqu’un individu se sent :
Il est également courant que les mécanismes se mettent en place à partir d’anciens schémas, liés à l’enfance ou à l’environnement familial. Un enfant peut apprendre qu’il obtient de l’attention en gardant un rôle de “faible”, qu’il mérite sa place en “aidant tout le monde”, ou qu’on l’écoute davantage lorsqu’il parle fort ou de manière critique.
Plus tard, dans la vie adulte, ces rôles reviennent automatiquement quand la pression augmente : fatigue, surcharge de travail, tension familiale, problème personnel, manque de confiance en soi…
Voilà pourquoi le triangle n’a rien de volontaire : il se déclenche lorsque la communication est perturbée, que le message n’est pas clair, et que chacun réagit avec un mélange d’émotion, de stress et d’interprétation.
Le triangle dramatique continue tant que chacun obtient, même faiblement, la satisfaction d’un besoin.
Voici quelques exemples de “récompenses” psychologiques, rarement conscientes :
| Rôle | Gain psychologique typique | Risque associé |
|---|---|---|
| Victime | Ne pas assumer la responsabilité, chercher le secours, obtenir compassion | Sentiment durable d’impuissance |
| Sauveur | Se rendre utile, éviter le vide intérieur, prouver sa valeur | Épuisement, relations déséquilibrées |
| Persécuteur | Contrôler, prendre avantage, éviter la vulnérabilité | Isolement, agressivité croissante |
Ce cycle s’intensifie lorsque chacun renforce la position de l’autre.
Un exemple simple :
Cette mécanique se répète car elle semble familière, presque “logique” aux yeux de ceux qui y entrent. Résultat : le triangle devient un cercle vicieux qui empêche une communication saine.
Si l’échange commence à :
… il est probable que le scénario relationnel soit en marche.
Un signe clair :
Quand chacun “se met à jouer un rôle” au lieu de s’exprimer en tant qu’adulte responsable et conscient.
La première étape pour sortir des relations malsaines est donc de reconnaître ces comportements dès leur apparition.
Le triangle de karpman prend forme lorsque trois rôles s’installent dans l’échange. Leur force vient du fait qu’ils paraissent “aller de soi”. On croit agir par logique, par souci d’aider, ou parce qu’on pense que l’autre exagère, alors qu’en réalité on glisse dans une posture relationnelle qui modifie totalement la manière de communiquer.
Chaque rôle possède sa cohérence interne, son point faible, son besoin profond, son objectif caché et une façon particulière d’interagir avec le monde. Aucun n’est “mauvais” en soi : ce sont des rôles du triangle, pas des identités. Tu n’es pas “une victime”, “un sauveur” ou “un persécuteur” : tu joues le rôle dans un moment précis, parfois pendant quelques minutes seulement.
Cette partie va te permettre de comprendre en profondeur ces mécanismes, de repérer ce que tu endosses par réflexe, et d’apprendre comment la relation se transforme lorsque chacun modifie sa posture.
Le terme “victime” peut sembler dur. Ici, il ne s’agit pas d’une personne réellement agressée ou en danger, mais d’un rôle psychologique dans lequel quelqu’un se sent incapable, inférieur, ou impuissant face à la situation. La posture attire spontanément l’attention et déclenche souvent l’intervention d’un sauveur.
Le point faible principal est la difficulté à assumer sa propre responsabilité. La victime n’est généralement pas mal intentionnée : elle cherche seulement à obtenir un secours, une attention, ou de la compassion pour apaiser un malaise intérieur. Le rôle peut apparaître dans des situations très variées : surcharge au travail, conflit familial, fatigue émotionnelle, doute personnel.
Mais ce rôle peut devenir un piège. On se sent bloqué, coincé dans une identité faible, incapable de s’affirmer. L’individu se décrit à travers ses difficultés plus qu’à travers ses capacités.
| Aspect | Description |
|---|---|
| Besoin profond | Soutien, reconnaissance, sécurité |
| Risque | Perte d’estime, dépendance, faible confiance en soi |
| Message caché | “Aide-moi, je ne peux rien faire seul” |
| Point faible | Laisser l’autre décider ou agir à sa place |
Le sauveur se voit comme le protagoniste positif du triangle. Il pense “faire le bien” et intervient au nom de la morale, de l’empathie ou du devoir. Pourtant, son action peut amplifier le dysfonctionnement, car il s’immisce dans les problèmes d’autrui sans demander l’autorisation.
Ce rôle s’accompagne souvent d’un besoin intense de reconnaissance. Le sauveur cherche la satisfaction de “rendre les autres heureux”, même quand personne ne lui a demandé de jouer ce rôle.
Le sauveur :
Ce basculement est très fréquent : la personne aide tant, donne tant, qu’elle en vient à dire “personne ne fait d’effort sauf moi”. Ce changement de rôle alimente la confusion relationnelle.
| Aspect | Description |
|---|---|
| Besoin profond | Exister à travers l’utilité |
| Risque | Épuisement émotionnel, frustration |
| Message caché | “Sans moi, tout s’effondre” |
| Point faible | Contrôler sous couvert d’aider |
Le persécuteur apparaît comme celui qui exerce une pression. Il peut lever la voix, juger, faire une remarque sèche ou adopter une posture froide. Contrairement à ce que l’on croit, ce rôle n’est pas nécessairement “violent” : il repose surtout sur une attitude de supériorité ou de rigidité.
Le persécuteur est souvent quelqu’un qui cherche la certitude et la maîtrise. Il n’aime pas le flou, l’erreur, le retard, l’imprévu. Sa colère n’est pas toujours dirigée contre la personne : elle exprime parfois une blessure mentale, une fatigue ou une difficulté à gérer sa propre émotion.
Le risque principal : l’isolement. Les autres finissent par s’éloigner, ou glissent eux-mêmes dans un rôle de victime ou de sauveur pour “compenser”.
| Aspect | Description |
|---|---|
| Besoin profond | Sécurité, ordre, cohérence |
| Risque | Rupture relationnelle, méfiance |
| Message caché | “Fais ce que je dis, sinon…” |
| Point faible | Inflexibilité, manque de compassion |

Le triangle dramatique n’est pas un schéma figé. Les rôles tournent selon la situation, l’émotion du moment ou la réaction de l’autre. La victime peut devenir persécuteur (“tu ne m’aides jamais”), le sauveur peut devenir victime (“personne ne me reconnaît”), et le persécuteur peut devenir sauveur (“bon, je vais régler ça pour toi…”).
On parle alors de changement de rôle, un mécanisme central du triangle. C’est ce mouvement constant qui rend le modèle si réaliste : personne ne reste sur une seule posture.
Imaginons une scène au travail :
Quelques minutes plus tard, un renversement se produit :
Et le cycle continue.
Dans l’analyse transactionnelle, un jeu psychologique est un échange où les messages semblent clairs mais cachent autre chose. Ces jeux sont au cœur du triangle dramatique, car chaque rôle repose sur un message caché :
| Rôle | Message apparent | Message caché |
|---|---|---|
| Victime | “Je n’y arrive pas” | “Fais à ma place” |
| Sauveur | “Je suis là pour toi” | “J’existe grâce à toi” |
| Persécuteur | “Tu fais n’importe quoi” | “Je ne supporte pas l’incertitude” |
Le problème ne vient pas du message en lui-même, mais de la manière dont il est transmis. La communication devient une interaction où chacun lit entre les lignes, réagit en fonction de son insécurité, et non de ce qu’il ressent vraiment.
Cette lecture faussée explique pourquoi le triangle est tellement difficile à repérer lorsqu’on y est pris : on croit répondre à la situation, alors qu’on répond à un scénario.
Le triangle dramatique ne reste jamais théorique. Il affecte la santé mentale, la communication, les émotions, les décisions, et même la manière dont une équipe ou une famille fonctionne. Les rôles s’insèrent partout où la relation devient floue, où le besoin est mal exprimé, où la responsabilité n’est plus partagée. Cette partie examine les conséquences concrètes, les situations du quotidien, et la manière dont ces mécanismes s’installent silencieusement dans une relation, qu’elle soit personnelle ou professionnelle.
Les trois rôles perturbent la perception de soi. La victime peut perdre son estime, le sauveur s’épuise en cherchant à satisfaire tout le monde, le persécuteur se coupe de sa part empathique jusqu’à ne plus entendre la souffrance d’autrui.
Voici les impacts les plus fréquents :
Chaque rôle limite l’individu dans sa capacité à agir librement. La personne n’est plus actrice : elle suit un scénario relationnel préécrit, parfois depuis l’enfance.
Une relation toxique n’est pas toujours le résultat d’une manipulation volontaire. Le plus souvent, elle provient d’une dynamique où chacun joue un rôle complémentaire : un parent qui sauve constamment son enfant, un collègue qui critique dès qu’une erreur apparait, un ami qui se plaint sans cesse pour attirer l’attention. Une fois les rôles installés, il devient difficile de retrouver une relation saine.
Le triangle dramatique structure ces relations. Plus les rôles se renforcent, plus le modèle devient le seul mode de fonctionnement. C’est ce qui crée la sensation de problème insoluble.
Dans un épisode relationnel tendu, chacun cherche inconsciemment à :
L’être humain déteste l’incertitude. Le triangle propose une structure claire, même si cette structure est dysfonctionnelle. C’est ce besoin d’ordre ou de sécurité intérieure qui pousse les protagonistes à s’accrocher à leur rôle.
Un enfant peut apprendre très tôt :
Ces stratégies deviennent des automatiques dans la vie adulte. On rejoue des mécanismes qui ont permis, un jour, de survivre émotionnellement.
À force de tourner dans un rôle, l’individu :
Ces comportements ont aussi un effet sur la santé physique : tension musculaire, insomnies, irritabilité, anxiété diffuse. La relation n’est plus un espace d’échange mais un lieu où la personne se sent constamment “sous pression”.
En entreprise, les rôles apparaissent rapidement, surtout lorsqu’il y a :
Une équipe qui ne connaît pas ces mécanismes peut tourner en rond pendant des mois. Les tensions deviennent personnelles, les reproches s’accumulent, les conflits deviennent plus violents.
Ces postures provoquent :

Un manager peut glisser sans s’en rendre compte dans un rôle rigide :
L’efficacité d’une équipe dépend en grande partie de la capacité du leader à sortir du triangle. Un manager qui prend conscience de son rôle améliore immédiatement le climat de travail.
Le modèle est extrêmement présent dans les familles, notamment dans les relations :
Les situations les plus fréquentes :
Ces dynamiques entretiennent des blessures profondes, notamment sur :
Sur les réseaux sociaux, le triangle dramatique apparaît en continu :
Le format court, la rapidité des réactions et l’absence de nuance renforcent les mécanismes émotionnels. Une simple remarque devient un déclencheur. On endosse un rôle sans même comprendre ce qui a activé cette posture.
Parce que chaque rôle répond à un besoin intérieur :
Même les personnes bienveillantes, les leaders solides, les professionnels aguerris peuvent tomber dans ce triangle, car il s’installe dès que la communication perd sa clarté.
Le comprendre n’a rien d’un jugement. C’est un outil d’analyse transactionnelle puissant, qui aide à restaurer une communication plus ouverte, plus authentique, plus saine.
Comprendre le triangle dramatique n’est qu’un premier pas. L’essentiel consiste à créer une sortie durable, à briser le cycle, et à retrouver une relation saine avec soi et avec autrui. Sortir d’un rôle demande de la conscience, un peu de courage et une volonté réelle de modifier les comportements appris depuis longtemps.
Cette partie t’aide à reprendre le contrôle, à repérer les stratégies utiles, et à adopter une posture plus stable dans n’importe quelle situation : au travail, en famille, dans un couple ou même dans une interaction avec un inconnu.
Impossible de changer ce qu’on ne voit pas. La première action consiste à identifier :
Une prise de conscience calme, sans jugement, ouvre la voie à une nouvelle posture. Ce n’est pas un aveu de faiblesse : c’est un acte de leadership intérieur.
Le triangle ne se met pas en route sans raison. Plusieurs mécanismes sont fréquents :
Le but n’est pas de contrôler chaque émotion, mais de reconnaître quand le rôle appelle trop de place et déséquilibre l’échange.
Chaque rôle dispose d’une porte de sortie précise.
Objectif : reprendre sa puissance personnelle.
Actions utiles :
Objectif : laisser l’autre vivre sa propre expérience.
Actions utiles :
Objectif : exprimer ses besoins sans agresser.
Actions utiles :
| Outil | Utilité | Exemple d’application |
|---|---|---|
| Communication non violente | Clarifier le message sans accusation | “Quand tu fais X, je me sens Y, j’aurais besoin de Z.” |
| Analyse transactionnelle | Repérer les jeux psychologiques | Identifier ton rôle dès les premiers signes |
| Pause consciente | Éviter les réactions impulsives | Respirer 10 secondes avant de parler |
| Demande d’information | Réduire l’interprétation | “Qu’est-ce que tu veux dire exactement ?” |
| Limite relationnelle | Protéger la santé mentale | “Je ne peux pas répondre maintenant.” |
| Coaching / thérapie | Explorer les racines profondes | Comprendre les blessures activées |
Une posture équilibrée se caractérise par :
On quitte la dynamique du triangle pour entrer dans une relation adulte-adulte, où chacun parle de sa place, sans prendre celle de l’autre.
Le triangle compassionnel est une réécriture positive du modèle dramatique. Il remplace chaque rôle toxique par une posture constructive :
| Rôle toxique | Rôle sain |
|---|---|
| Victime | Vulnérabilité assumée |
| Sauveur | Soutien responsable |
| Persécuteur | Assertivité claire |
Ce modèle, souvent utilisé en coaching ou en formation, aide à développer des relations équilibrées, où chacun se sent considéré, entendu et respecté.
Ces étapes transforment radicalement la manière de vivre une relation, qu’il s’agisse d’un collègue, d’un ami, d’un parent, d’un manager ou d’un enfant.
Même en appliquant les meilleures stratégies, le triangle reviendra. Pas par échec, mais parce que les mécanismes relationnels sont humains. L’objectif n’est pas d’éviter totalement les jeux psychologiques, mais de :
C’est cette capacité d’ajustement qui crée une relation durable et stable.
Le triangle dramatique n’est pas seulement un concept, ni une théorie figée. C’est un outil d’analyse transactionnelle précieux pour comprendre les relations, éviter les jeux psychologiques, assumer sa place, apaiser un conflit ou restaurer une communication saine.
Apprendre à reconnaître son rôle, comprendre ce qui l’active, observer ses comportements, écouter son besoin profond, affirmer sa posture sans blesser : tout cela transforme une relation de manière durable.
Sortir du triangle demande de la patience, de l’effort et un peu d’honnêteté envers soi. Mais les bénéfices sont immenses : plus de clarté, plus de respiration, plus de respect, plus d’équilibre.
C’est ainsi que se construisent les relations qui durent : sans manipulation, sans excès, sans rôle imposé. Juste deux personnes qui parlent de manière authentique.

5 novembre 2025
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3 novembre 2025
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29 octobre 2025
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